Une belle aventure qui a commencé en 1981

Le 18 septembre 1981 se sont retrouvées à Rome les huit "aventurières" qui allaient commencer le travail apostolique des femmes de l'Opus Dei en Côte d'Ivoire. Trois d'entre elles nous livrent leurs souvenirs.

A Rome, à l’occasion de la rencontre avec don Alvaro : Margot, Rosario, Rose, Maricarmen, Vivian

Le 18 septembre 1981 nous nous sommes retrouvées à Rome, nous les huit "aventurières" qui allaient commencer le travail apostolique des femmes de l'Opus Dei en Côte d'Ivoire. Certaines se connaissaient déjà, mais pas la majorité. Il s'agissait de Rose, originaire du Kenya, la plus jeune ; Tonita, du Portugal ; Margot et Marie, de France ; Vivian, du Vénézuela mais qui venait de passer quatre ans au Nigéria et connaissait l'Afrique ; Charo, Maricarmen et Rosario, d'Espagne. Nous avons commencé le 19 au matin une rencontre très spéciale qui resterait gravée en lettres de feu en chacune de nous. Tere Temes et Cuca étaient venues du Kenya pour nous transmettre leurs expériences. Mais le meilleur de la rencontre fut sans nul doute les trois réunions inoubliables avec don Alvaro, premier successeur de saint Josémaria.

Nous nous souvenons d'une anecdote d'une de ces “réunions”: don Alvaro, qui était alors le Père, venait de recevoir une lettre de l’abbé Sanchez -alors Vicaire Régional de Côte d’Ivoire- depuis Abidjan dans laquelle il disait que, même s'ils avaient déjà trouvé leur maison définitive, étant donné que celle qu'ils préparaient pour nous n'était plus envisageable, ils allaient nous laisser la leur parce qu'elle réunissait de bonnes conditions; don Alvaro nous a dit : « Comme vous le voyez, une fois de plus, ce sont eux qui prennent les devants en vous facilitant le chemin. C'est ainsi que se vit l'unité dans l'Œuvre". Au cours de ces réunions, le Père nous transmettait un maximum d'expériences afin que nous soyons bien préparées pour commencer le travail apostolique. Un jour, nous lui avons demandé quand il viendrait nous voir. Il a dit qu'il le ferait toutes les nuits dès que nous lui annoncerions que nous avions déjà le Seigneur chez nous, parce qu'il avait l'habitude de « parcourir » les Tabernacles des endroits où vivaient ses filles. Et effectivement, nous avons toujours senti le Père à côté de nous et en plus nous avons pu le recevoir en personne huit ans plus tard, lors de son voyage pastoral dans notre pays en octobre 1989.

Premier Noël en Côte d’Ivoire : photo de l’oratoire avec l’Enfant Jésus

Et le jour tant attendu est arrivé, le 25 septembre. Cinq d'entre nous ont pris l'avion, parce que les trois autres devaient retourner en France pour reprendre des démarches administratives. Quelle émotion de fouler la terre ivoirienne !!! Comme on nous l'avait déjà annoncé, une bonne sensation de chaleur nous a reçues. L'aéroport était alors petit et nous sommes allées à pied de l’escalier de l'avion jusqu’à l’aérogare. Dans l'aéroport nous attendaient les deux prêtres arrivés un an auparavant avec un Coopérateur qui avait une grande voiture dans laquelle nous tenions toutes les cinq. Nous sommes passées au pied de l’église Saint-Jacques des Deux-Plateaux et il nous a indiqué que c'était notre paroisse, une chapelle à ce moment-là. C'est précisément là qu'a eu lieu notre première récollection avec quelques dames quatre jours plus tard.

Et avant tout, nous nous sommes lancées à chercher du travail. La recherche de ces postes de travail fut une aventure qui nous a permis de connaître un grand nombre de personnes et... leurs filles avec lesquelles nous avons démarré un Club dédié à la formation humaine et spirituelle des élèves du Primaire et du Collège le mercredi ainsi qu’à quelques activités avec des lycéennes et, bien évidemment, nous avons senti dès le début que nous étions dans le pays de l'hospitalité.

Dans le jardin du premier Centre, avec deux des premières associées du Club : Evelyne K. et sa sœur Marie-Claude K., entourées de Charo, Maricarmen et Marie

Pour commencer le Club, nous avions un peu d’expérience dans nos pays respectifs. Mais avant de l’appliquer en Côte d’Ivoire, nous avons échangé avec quelques mamans sur l’intérêt de ce projet, les activités qui pourraient le plus intéresser mères et filles, et pour donner un nom au Club, nous avons utilisé comme source d‘inspiration la carte de la Côte d’Ivoire et nous avons aimé « Marahoué ».

C’est ainsi que nous avons débuté, un mercredi de novembre, avec trois filles du Cours Moyen 2è année (CM2), accompagnées d’une petite de six ans, Linda, qui tenait absolument à s’inscrire. Nous avons donc gardé Linda au Niveau A et fait connaissance de ses parents qui nous ont beaucoup aidées matériellement mais aussi avec leurs conseils et en nous présentant d’autres personnes. L’accès à notre première maison n’était pas facile à cette époque mais pour les premières « rencontres », en juillet 1982, nous avons eu des inscriptions pour les trois niveaux : A, B et C, de huit à seize ans. Evelyne est venue par Marie-Angèle, son professeur d’espagnol au Lycée Mamie Faitai, tandis que sa jeune sœur Marie-Claude avait déjà eu contact avec Maricarmen, son professeur au Collège d’Orientation du Plateau. Augustine nous a présenté ses filles Alice et Marie-Ange. Une autre amie, également nommée Augustine, a inscrit une de ses filles, la petite Sonia, etc.

La deuxième maison, à Cocody-Danga Nord, était mieux desservie, plus proche du campus universitaire, dans un quartier habité par de nombreuses familles. Petit à petit, le chemin du Centre est devenu familier aux étudiantes et aux familles voisines, et les amitiés se sont consolidées. Yvette nous a invitées à manger notre premier plat de foutou sous les yeux amusés de son père. Aurélienne et Marie ont tenu à braver la pluie de fin septembre pour écouter une causerie de formation avant de se rendre à un mariage…

Pour l’organisation de ces différentes activités, nous avons pu compter sur la précieuse et indéniable collaboration des premières Numéraires auxiliaires venues du Kenya, la région aînée en Afrique, car c’est le premier pays où a commencé le travail apostolique sur notre continent : Nasila, Wanjiku, Juliana et Guetty. Leur présence à nos côtés au Centre a permis de commencer l’embryon de l’Ecole de Formation Professionnelle Yarani !Elles ont su partager leur savoir-faire et faire découvrir leur vocation spécifique de sanctification du travail de la maison à nos élèves, venues suivre des cours pour réaliser cette profession irremplaçable au sein de la société : Marie, Michelle, Vicky, premiers maillons de cette chaîne, restent aujourd’hui des piliers pour faire découvrir à toutes les femmes participant à nos activités, les atouts et les qualités indispensables pour exercer un réel leadership en matière de gestion du foyer.

Certaines jeunes filles acceptaient de nous aider en donnant des cours à ces élèves que nous avions prises en régime d’internat : le Seigneur les a largement récompensées de leur générosité : Duni, Marie-Louise, Christiane…

S’agissant des activités de formation spirituelle, outre les récollections, nous avions l’ambition de pouvoir proposer des retraites à nos amies. Une des dames qui nous ont accueillies au début nous a proposé une maison sise au quartier de Yopougon Andokoi. à propos de ce nouvel instrument pour le travail de l’Opus Dei, nous avons été heureuses de savoir, à travers Mgr Justo Mullor Garcia, alors Nonce apostolique en Côte d’Ivoire, que don Jose Luiz Muzquiz, l’un des trois premiers prêtres de l’œuvre, avait logé à proximité, précisément à l’hôtel « Mont Nimba », où il résidait dans le cadre d’une mission : expliquer l’Opus Dei aux évêques de Côte d’Ivoire et recueillir des lettres demandant au Pape l’ouverture du procès de canonisation du Fondateur de l’Opus Dei. Le Nonce, qui était allé le rencontrer à cette occasion,nous a commenté qu’il l'avait trouvé en train de se promener dans le quartier et de prier justement devant cette maison. C’est là qu’à partir de février 1983 se sont tenues les premières retraites que maintenant, nous pouvons organiser dans de bien meilleures conditions à Ilomba, près de M'Batto-Bouaké.

Dès les premières années, nous avons eu la chance de recevoir les encouragements de Mgr Justo Mullor Garcia. Revenu à Abidjan en 1993, il a eu l’occasion de célébrer la Sainte Messe dans un de nos Centres; il nous avait reçues à notre arrivée en 1981, et à ce moment-là, nous étions huit, dont une seule africaine. Dans l'homélie de la Messe, il nous a dit : “Je vois que l'Opus Dei en Côte d'Ivoire “a noirci”. Grâce à Dieu en effet, l'oratoire était rempli d’africaines. Effectivement, au long de cette première dizaine d’années de travail, nous avons eu la joie de voir se développer les activités, et croître le nombre de personnes disposées à recevoir une formation humaine et spirituelle plus approfondie.

Dans le premier Centre, en 1983 : photo de famille avec au Centre Mgr Justo Mullor Garcia (Nonce apostolique en Côte d’Ivoire)

Mais revenons un peu en arrière : à Rome, don Alvaro nous avait conseillé de pouvoir vite disposer d’une nouvelle maison, et c’est ainsi que le club Marahoué a déménagé au quartier de la Cité des arts, pour accueillir les activités destinées aux étudiantes aussi bien qu’au club, tandis que l’autre Centre allait se consacrer aux dames.

Depuis lors, ce sont des centaines de jeunes filles de tous âges, que nous avons eu la chance de connaitre ainsi que leurs familles, à travers les activités de renforcement scolaire et universitaire et aussi grâce aux rencontres de vacances. Notre objectif étant de les accompagner, en collaboration avec leurs parents afin qu’elles acquièrent les vertus qui favorisent leur développement à tous les niveaux, et contribuent à leur plein épanouissement.

L’arbre du voyageur planté par don Alvaro en 1989 dans le jardin du Club Marahoué

Des étudiantes à la salle d’étude de Marahoué

En 1989, de la volonté expresse de don Alvaro, est né le projet Yarani, Ecole de Formation Professionnelle pour les filles dans le domaine du service à la personne, si important pour la famille et la société. Les cours de la première promotion y ont commencé le 15 octobre 1990.

Premier siège de l’école Yarani : Tonita, Vicky, Marie, Aimée

Dix ans plus tard, déjà au 21e siècle, s'est ouvert le siège actuel de Yarani à Abobo-Plateau-Dokui, d'où sont déjà sorties de nombreuses promotions de professionnelles bien formées dans la gestion des techniques hôtelières mais aussi bien préparées pour gérer leur famille.

Siège de l’école Yarani depuis 2001

La venue de don Alvaro del Portillo en octobre 1989 a été un véritable cadeau de Dieu. Nous pouvons dire que, dans notre cas, cela a supposé un "avant" et un "après". Nous avons invité toutes nos amies, collègues et connaissances à venir l’écouter et le connaître dans une réunion générale. On respirait une ambiance cordiale et familiale malgré les dimensions du Palais des Congrès de l'hôtel Ivoire.

Au cours de ce voyage historique, don Alvaro se devait d’aller exprimer notre gratitude au village de M'Batto Bouaké qui avait offert un terrain pour y construire le Centre de Rencontres. Au cours de la cérémonie traditionnelle, il a annoncé qu’il y aurait aussi un centre social ; en effet, il a été érigé en 2005 par le Ministère de la Santéen « dispensaire Ilomba » ; on s'y occupe chaque semaine de malades venant de beaucoup de villages des alentours. Pilar, pédiatre, organise sans arrêt diverses activités ou concours pour faciliter aux mamans et aux futures mamans un suivi adapté à leurs circonstances. Il y a aussi dans ce centre des cours d'alphabétisation, de couture, de cuisine, de pâtisserie, de préparation aux examens de l’enseignement général et de la formation professionnelle.

Pilar Donoso, médecin, en consultation au dispensaire d’Ilomba

« Ne pensez pas que l'Opus Dei est arrivé en Côte d'Ivoire : l'Opus Dei est arrivé à Abidjan », nous disait-on parfois, et il est vrai que depuis le début, nous rêvions d'aller dans tous les endroits, en commençant par la ville de Yamoussoukro, capitale politique et administrative, qui s'était beaucoup développée et comprenait deux lycées d'excellence et trois grandes écoles supérieures, et ensuite Bouaké, la deuxième ville du pays, de par sa superficie et du fait du développement socio-économique qu’elle a connue, étant située au Centre de notre territoire.

Et voilà qu'en 1990, le rêve a commencé à devenir une réalité ; avant même que nous ayons un point de chute à Yamoussoukro, l'occasion nous a été offerte de manière inespérée : Dominique, étudiante dans une des grandes écoles, ayant accepté de nous accueillir, nous avons commencé les voyages Abidjan-Yamoussoukro le week-end.

Pilar, Tonita, Vivian, Marie-Louise et Rosario devant la Basilique Notre Dame de la Paix à Yamoussoukro (en chantier)

Mais il fallait envisager une solution plus stable, à commencer par un pied-à-terre où nous pourrions recevoir nos connaissances et nous lancer à donner des moyens de formation. Parmi les dames que nous avions connues, deux nous ont aidées dans la recherche d'un local. Et nous voici dans un quartier assez proche de l'entrée de la ville : c'était facile de se situer, mais un peu loin des grandes écoles. N'importe, il fallait commencer. Nos amies se sont investies et bien rapprochées de l'Œuvre, à tel point que l'une des deux, Eliane, est allée à la béatification de notre Père avec cinq autres dames de la ville. Quant à la deuxième, Élisabeth, elle attendrait la canonisation. La première récollection de dames organisée dans cette ville nous remplit de joie : elles étaient une quinzaine et comme elles ne tenaient pas toutes dans le minuscule oratoire -une pièce de la maison- aménagé au départ, certaines se sont concentrées dans le couloir d'à côté.

Nous avons également commencé à faire des rencontres dans ce Centre que nous avons dénomméOkassou, - qui signifie en baoulé, langue locale, "sur la colline"-, ce qui a facilité la continuité.

Après le voyage de don Alvaro del Portillo, aujourd’hui Bienheureux, nous avons eu la joie de recevoir également ici, Mgr Xavier Echevarrίa, qui l’avait accompagné en 1989, en tant que Vicaire général de la Prélature, et qui a réalisé deux voyages pastoraux en tant que troisième successeur de Saint Josémaria à la tête de l’œuvre : en 1997 puis en 2011, pour manifester à tous, sa proximité et nous assurer de sa prière. Ces moments qui ont aussi marqué l’histoire de l’Opus Dei en Côte d’Ivoire, ont donné une nouvelle impulsion au travail apostolique et ont laissé une trace profonde dans le cœur de tous les Ivoiriens, qui ont tenu à lui exprimer leurs remerciements lors des différentes réunions de famille qu’il a eues non seulement avec les membres de l’œuvre mais aussi avec tous ceux qui coopèrent à la diffusion du message de sanctification personnelle dans la vie ordinaire : c’était en réalité l’expression de leur gratitude envers Dieu pour la mission confiée à tous ceux qui incarnent et exercent la paternité dans cette famille : en premier lieu, à notre très cher fondateur et à ses successeurs, dont l’actuel Prélat, Mgr Fernando Ocáriz qui a également pris part à ces deux dernières visites. Il nous plait de retracer ici quelques moments forts de ces voyages.

Beaucoup d'années se sont écoulées, l'aventure n'a fait que nous surprendre un jour après l'autre et nous n'avons que des motifs d'actions de grâce. Nous faisons nôtre cette affirmation et saisissons l’occasion de ce récit pour la partager : « Vivre signifie aventure, risque, limites, défis, effort, sortir du petit monde que nous contrôlons pour trouver la beauté d’investir sa vie en quelque chose de plus grand qui étanche largement notre soif de bonheur ».

De celles arrivées au début de cette belle aventure, nous sommes encore trois en Côte d'Ivoire, mais nous pouvons dire que les huit sont toujours présentes parce qu'elles continuent à porter dans leur cœur un souvenir inoubliable des années passées dans cette petite parcelle du continent africain qui nous a si profondément marquées. Combien de grâces de Dieu, de nouveaux Centres, beaucoup de nouvelles Ivoiriennes qui ont décidé de faire l'Opus Dei dans ce très cher pays, de nombreuses Coopératrices et amies, de nouvelles activités et une grande émotion de voir devenu réalité ce “rêvez et la réalité dépassera vos rêves” que nous promettait saint Josémaria.

Rosario Alonso, Marie Chabert et Marguerite Cherel