Le Carême : un temps de conversion

En ce début de Carême, nous vous proposons d’approfondir l’appel à la conversion

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L'appel à la conversion traverse le Nouveau Testament

Dès le début de l'Évangile, l'appel à la conversion est proclamé.

Elisabeth, cousine de la Vierge Marie, avait été informée par l'ange Gabriel que son fils Jean-Baptiste ferait revenir de nombreux fils d’Israël au Seigneur leur Dieu. Quelques années plus tard au début de sa mission, celui-ci proclamait : Convertissez-vous, car le Royaume des cieux est tout proche.

À ses premiers disciples, Jésus fit la même exhortation : Convertissez-vous.

Saint Pierre, enfin, au terme de son premier discours après la Pentecôte, assortit cette injonction d’une promesse : vous recevrez alors le don du Saint Esprit.

Le sens de la conversion

Le Carême qui commence est le temps de l’année que l’Église utilise pour nous encourager à cette conversion. Non pas dans le sens d’un changement de religion, bien sûr, mais dans le sens de changement, de transformation, de « retournement », à l’image de cet exercice compliqué que les skieurs débutants doivent apprendre s’ils ne peuvent pas un jour se retrouver bloqués dans une direction qui n’est plus la bonne.

C’est aussi l’occasion pour nous rappeler que le Royaume, auquel nous aspirons tous, ne viendra pas à nous de manière “automatique” : c’est nous qui devons aller vers lui avec lui. Dieu t’a créé sans toi, il ne te sauvera pas sans toi, enseigne saint Augustin. Et pour ce faire, entraînement et efforts sont indispensables. Peut-on s’en étonner ? Non !

Aucun objectif de valeur ne peut être atteint sans effort. Pensons aux performances sportives en leur appliquant la spécificité de la lutte pour le Royaume : Tous les athlètes à l’entraînement s’imposent une discipline sévère ; ils le font pour gagner une couronne de laurier qui va se faner, et nous, pour une couronne qui ne se fane pas, rappelle saint Paul aux Corinthiens. Notre discipline sera d’autant plus sévère que nous traînons le poids de nos limitations, de nos péchés.

Alors oui, insiste l’Église : convertissez-vous ! Méditant sur le thème de conversion personnelle, Benoit XVI écrivait dans une homélie du mercredi des Cendres (13 février 2013) : «Beaucoup, de nos jours, sont prêts à “déchirer” leurs vêtements (il commentait cette citation de l'Écriture, NDLR) face aux scandales et aux injustices - naturellement commises par d'autres - mais peu semblent disposés à agir sur leur propre “cœur ”, sur leur propre conscience et sur leurs propres intentions, en se laissant transformer, renouveler et convertir par le Seigneur».

Amour et sacrifice, pénitence et miséricorde

Bien sûr, jeûne, pénitence, sacrifice, mortification... sont des mots dont on ferait volontiers l’économie. La logique de la vie nous confirme pourtant que sacrifice et bonheur peuvent faire bon ménage. Il nous suffit de plonger dans nos propres souvenirs.

Au 5ème siècle, saint Pierre Chrysologue expliquait : Il y a trois actes, mes frères, en lesquels la foi se tient, la piété consiste, la vertu se maintient : la prière, le jeûne, la miséricorde. La prière frappe à la porte, le jeûne obtient, la miséricorde reçoit. En effet, le jeûne est l’âme de la prière, la miséricorde est la vie du jeûne. Que personne ne les divise (…) : le jeûne ne porte pas de fruits s’il n’est pas arrosé par la miséricorde ; le jeûne se dessèche par la sécheresse de la miséricorde ; ce que la pluie est pour la terre, la miséricorde l’est pour le jeûne.

En d’autres termes, il serait bien inutile de se priver de chocolat si, en même temps, nous ne faisons pas l'effort d'être charitable et patient avec les autres ; il sera vain de se priver de télévision si cela nous pousse à chercher des distractions qui nous éloignent de Dieu ; et ainsi de suite.

Pour vivre la conversion du carême

En revanche : faisons un effort pour être plus ponctuels, car cela plaira à ceux qui nous attendent si souvent; efforçons-nous de mieux ranger nos affaires pour étonner et pacifier celles et ceux qui nous voient vivre au quotidien ; privons-nous de tel ou tel commentaire acide et/ou inutile, qui aura comme effet immédiat d’assouplir les relations humaines ; gardons-nous de telle pensée de jalousie qui nous empêche de voir l’autre avec les yeux de la charité. Ou encore, privons nous une fois ou l'autre de nourriture, par solidarité avec ceux qui en sont régulièrement privés et par solidarité avec le dépouillement du Christ.

La liste serait longue et c’est à chacun qu’il revient de l’établir dans le silence de sa prière personnelle. Dans le silence, car il n’y a rien de plus déplaisant que d’entendre tel ou tel membre de la famille invoquer à tout bout de champ « le carême » pour exiger des autres ce qu’il a peut-être du mal à vivre lui-même. Le Seigneur nous l’a bien dit : quand tu jeûnes, parfume-toi la tête et lave-toi le visage ; ainsi, ton jeûne ne sera pas connu des hommes, mais seulement de ton Père qui est présent dans le secret ; ton Père voit ce que tu fais dans le secret : il te le revaudra.

L'issue du Carême

Pourquoi tout cela, direz-vous, ou plutôt “pour quoi” ? Regardons vers Pâques : par sa Résurrection, le Christ nous ouvre les portes du Ciel, les portes de la vraie vie, celle qui ne connaît pas de déclin, et dont nous ne pouvons imaginer la beauté. Si nous voulons, au terme de notre vie terrestre, en franchir le seuil, il nous faut vivre selon la vie du Christ, en faisant siens les sentiments du Christ, de manière à pouvoir s’écrier avec saint Paul, “si je vis, ce n’est plus moi, mais le Christ qui vit en moi” (St Josémaria Escriva, Homélie pour le dimanche de Pâques).

Or pour entrer dans la logique de la Résurrection, le Christ a connu sa Passion et la mort sur la Croix. Sachons l’accompagner sur ce chemin, encouragés par Marie, sa Mère et notre Mère.

Abbé Gérard Thieux