Œcuménisme

Les chrétiens de toutes confessions ont en partage un large patrimoine commun. Néanmoins, le corps de l’Église reste blessé par la persistance de la division. Alors que vient de s’achever l’octave pour l’unité des chrétiens, nous proposons cette réflexion sur l’œcuménisme, qui s'inscrit dans la perspective ouverte par Benoît XVI et par ses prédécesseurs.

Dans l’encyclique Ut unum sint, Jean-Paul II soulignait le caractère primordial de la tâche œcuménique : « Le mouvement en faveur de l’unité des chrétiens n’est pas un simple appendice quelconque ajouté à l’activité traditionnelle de l’Église. Bien au contraire, il fait intrinsèquement partie de sa vie et de son action » (n. 20). À l’instar de son prédécesseur, Benoît XVI s’est attaché avec détermination à rétablir l’unité de tous les disciples du Seigneur. « En ce qui me concerne, je renouvelle ici ma ferme volonté, manifestée au début de mon pontificat, de prendre comme engagement prioritaire, celui d’œuvrer de toutes mes forces la reconstitution de l’unité pleine et visible de tous les disciples du Christ. » (Discours, 26-I-2006). Cette profonde préoccupation pour l’unité concerne tous les catholiques. Tous les chrétiens aspirent, de façon primordiale, à la pleine communion de tous les hommes avec Dieu, selon la parole du Seigneur : que tous soient un (Jn 17,21) — en tant que membres de l’unique Église fondée par le Christ, qui « est réalisée dans » dans l’Église catholique, ainsi que le précise la constitution dogmatiqueLumen Gentium (n. 8).

Pour atteindre à la pleine communion entre les chrétiens, ce qui vient en premier est la prière, étroitement unie à celle du Christ : « Je ne prie pas pour eux seulement mais pour ceux-là aussi qui, grâce à leur parole, croiront en moi » (Jn 17,20), « pour que tous soient un comme nous sommes un. Moi en eux et Toi en moi, pour qu’ils soient parfaitement unis » (Jn 17,22-23). « Nous ne pouvons « faire » l’unité avec nos seules forces. Nous pouvons seulement l’obtenir, dit Benoît XVI, comme un don du Saint-Esprit. Aussi bien l’œcuménisme spirituel, c’est-à-dire la prière, la conversion et la sanctification de la vie constituent-ils le cœur de la rencontre et du mouvement œcuménique » (Discours, 19-VIII-2005). Les fidèles de l’Opus Dei prient ainsi, chaque jour, avec les paroles mêmes du Seigneur : Ut omnes unum sint, sicut tu Pater in me et ego in te : ut sint unum, sicut et nos unum sumus. Mû par le désir de promouvoir l’unité, saint Josémaria exhorte chaque chrétien à offrir prière, expiation et action « pour cette fin: ut sint unum — pour que nous tous, les chrétiens, nous ayons une même volonté, un même cœur, un même esprit : pour que, « omnes cum Petro ad Iesum per Mariam! », tous bien unis au pape, nous allions à Jésus par Marie » (Forge, n. 647).

Le drame des divisions

La mission de l’Église – présence de Jésus-Christ dans le temps, que nous appelons à juste titre « temps de l’Église » – est de construire l’unité de foi et de communion entre les hommes. « On ne doit pas oublier en effet, faisait remarquer Jean-Paul II, que le Seigneur a demandé au Père l’unité de ses disciples, afin qu’elle rende témoignage à sa mission » (Ut unum sint, n. 23). Jésus lui-même montra le sens missionnaire de cette étroite unité : ut mundus credat, « pour que le monde croie que Tu m’as envoyé » (Jn 17,21). La division contrarie la volonté du Christ et constitue un énorme obstacle à l’évangélisation. En somme, « le manque d’unité entre les chrétiens est une blessure pour l’Église, non pas au sens où elle serait privée d’unité, mais en tant qu’obstacle à la pleine réalisation de son universalité dans l’histoire » (Décl. Dominus Iesus, n. 17).

Les avatars historiques ont cependant amené des discordances et des séparations entre les chrétiens, non sans une certaine faute des parties impliquées (cf. Unitatis redintegratio, n. 3). C’est pourquoi Jean-Paul II invitait tous les chrétiens, catholiques ou non, à une « indispensable purification de la mémoire historique », « à l’examen commun de leur passé douloureux », de façon à « reconnaître ensemble, sincèrement et en toute objectivité, les erreurs commises et les facteurs contingents qui ont été à l’origine de leurs déplorables séparations » (Ut unum sint, n. 2). D’autre part, les chrétiens qui naissent actuellement dans les Églises et les communautés non catholiques, comme le soulignait le décret conciliaire Unitatis redintegratio (n. 3), ne peuvent être tenus pour responsables de la séparation antérieure et sont aimés de l’Église et reconnus comme frères.

Un patrimoine commun

Ce que les chrétiens possèdent en commun représente déjà beaucoup. Nous sommes liés entre nous par la Sainte Écriture, la vie de la grâce et des vertus, la communion de prière et autres dons spirituels (ibid.). À cela s’ajoute, entre tous ceux qui croient au Christ, un mode de « vraie union dans l’Esprit Saint », puisqu’Il agit aussi dans les chrétiens non catholiques et « les sanctifie par ses dons et grâces, et donna même à certains d’entre eux des forces pour répandre leur sang » (Ut unum sint, n. 12). D’une manière générale, l’incorporation au Christ par le baptême, patrimoine commun à tous les chrétiens, établit entre catholiques et non catholiques un lien surnaturel. Tous les chrétiens naissent dans les eaux du baptême. Ainsi que l’enseigne le concile Vatican II dans le décret Unitatis redintegratio (n. 3), « ceux qui croient dans le Christ et ont reçu validement le baptême se trouvent dans une certaine communion, bien qu’imparfaite, avec l’Église catholique ». « La fraternité entre les chrétiens, dit Benoît XVI, ne se résume pas à un vague sentiment, pas plus qu’elle ne naît d’une forme d’indifférence à l’égard de la vérité. Elle est fondée sur la réalité surnaturelle d’un unique baptême qui nous insère tous dans l’unique corps du Christ (cf. 1 Co 12,13 ; Ga 3,28 ; Col 2, 12). Ensemble nous confessons Jésus-Christ comme Dieu et Seigneur, ensemble nous le reconnaissons comme unique médiateur entre Dieu et les hommes (cf. 1 Tm 2,5), soulignant notre commune appartenance à Lui (cf. Unitatis redintegratio, n. 22 ; Ut unum sint, n. 42). Sur ce fondement essentiel du baptême, qui est une réalité qui vient de Lui, une réalité dans l’être, et aussi dans la profession de foi, dans la croyance et dans l’action, le dialogue a porté ses fruits et continuera de le faire » (Discours, 19-VIII-2005).

La conscience de partager cette richesse commune est le fondement commun de l’œcuménisme. Cette conscience, en effet, nous conduit à une considération particulièrement positive des autres confessions chrétiennes et doit susciter des relations mutuelles marquées par la conscience joyeuse d’être les uns et les autres – tous ! – chrétiens. C'est pourquoi, « il est nécessaire que les catholiques reconnaissent avec joie et apprécient les valeurs réellement chrétiennes qui proviennent du patrimoine commun, et que l’on rencontre chez nos frères séparés » (Unitatis redintegratio, n. 4). Cette appréciation est donc de grande importance : elle se traduit par l’estime et la manière particulière de vivre la charité avec ceux de nos frères qui ne sont pas catholiques. Du fait qu’elle est enracinée dans la foi commune en Jésus-Christ, la manière de vivre avec eux l’amour chrétien revêt, en effet, des traits particuliers.

La situation des non chrétiens et de ceux qui ne professent pas la religion chrétienne, est de nature différente. Avec les non chrétiens, l’Église souhaite et cherche un autre mode de dialogue, appelé dialogue interreligieux, qui est différent de l’œcuménisme parce que le point de départ en est radicalement différent. Dans ce contexte, une place particulière revient, comme on le sait, à la relation des chrétiens avec les juifs, nos frères aînés, selon l’expression utilisée par Jean-Paul II (Discours à la synagogue de Rome, 13-IV-1986), avec lesquels le peuple de Dieu du Nouveau Testament est spirituellement uni.

Œcuménisme et « conversions » : Relation et diversité

Ainsi que l’enseigne le concile Vatican II, on entend « par « mouvement œcuménique » les entreprises et les initiatives provoquées et organisées en faveur de l’unité des chrétiens, selon les nécessités variées de l’Église et selon les circonstances actuelles » (Unitatis redintegratio, n. 4). Le mouvement œcuménique s’adresse plus aux communautés qu’aux personnes individuelles, et répond spécifiquement à une dimension de nature « collective » : travailler à ce que les diverses Églises et communautés chrétiennes parviennent, en tant que telles, à la pleine communion et à l’unité visible. Le point de départ est cette commune identité chrétienne dont nous parlions. En même temps, chaque confession doit rester consciente de ses caractéristiques propres, puisqu’on ne peut dialoguer qu’à partir de la reconnaissance de sa propre identité.

Bien que l’engagement œcuménique s’exprime en de multiples activités institutionnelles entre les confessions chrétiennes, il ne s’y réduit pas, car il engage aussi la responsabilité personnelle de tous les chrétiens. L’œcuménisme n’est pas une tâche réservée à quelques spécialistes, ni une préoccupation étrangère à l’existence quotidienne. Il s’agit d’un impératif de la conscience chrétienne éclairée par la foi et guidée par la charité. L’œcuménisme est simplement une dimension de l’existence chrétienne. Par exemple, ainsi que le fit remarquer le concile Vatican II, nous devons tous avoir à cœur « d’éliminer les paroles, les jugements et les faits qui ne correspondent ni en justice ni en vérité à la situation des frères séparés et qui contribuent ainsi à rendre plus difficiles les relations avec eux » (ibid.)

Mais par-dessus tout, la première parole du dialogue entre baptisés doit tendre précisément vers ce que représente pour tous le Sacrement de la régénération et l’amener à ses ultimes conséquences : être de bons chrétiens. Entre d'autres termes, la rencontre entre un catholique conscient de sa foi et un orthodoxe, un anglican ou un protestant, visera tout d’abord à susciter chez eux un mode de vie plus profondément chrétien, ou un retour à la pratique de la foi si tel n’était pas le cas avant. Il est nécessaire avant toute chose de considérer cette richesse commune de l’appel baptismal à vivre une vie nouvelle dans le Christ. Tous les fidèles chrétiens sont appelés à la sainteté. « Que les fidèles se souviennent tous qu’ils favoriseront l’union des chrétiens, bien plus, qu’ils la réaliseront, dans la mesure où ils s’appliqueront à vivre plus purement selon l'Évangile. Plus étroite, en effet, sera leur communion avec le Père et l’Esprit Saint, plus ils pourront rendre intime et facile la fraternité mutuelle » (Unitatis redintegratio, n. 7).

A la lumière de cette considération, on voit combien est attrayant le message que Dieu a confié à saint Josémaria, et considérables les possibilités d’action œcuménique qui s'ouvrent à ceux qui l'entendent. En même temps, « les biens présents chez les autres chrétiens peuvent contribuer à l’édification des catholiques » (id., n. 4), qui se sentiront appelés à une conversion personnelle, parce que tout témoignage authentique de foi et d’amour chrétiens aide chacun à s’engager davantage.

Dans le cadre de la relation avec les autres chrétiens, une autre mission doit être considérée : c’est, selon les propres termes du décret Unitatis redintegratio (ibid.), « le travail de préparation et de réconciliation avec les personnes individuelles qui désirent la pleine communion avec l’Église catholique », c’est-à-dire la prise en charge des chrétiens d’autres confessions qui souhaitent devenir catholiques. Il est indispensable de distinguer, ainsi que le fait le décret, l’activité œcuménique et la prise en charge de ces situations particulières. La première, l’œcuménisme, vise à l’union complète et visible des Églises et communautés ecclésiales en tant que telles. En revanche, la prise en charge dont nous parlons concerne la personne concrète, la conscience de ceux qui prennent librement la décision de devenir catholiques. Les deux tâches se fondent dans le désir de collaborer au dessein de Dieu et, loin de s’opposer, elle sont intimement liées, ainsi que le rappelait récemment la Note doctrinale sur quelques aspects de l’évangélisation (3-XII-2007) de la Congrégation pour la doctrine de la foi. Elles ont pour présupposé commun le respect et l’estime portés aux personnes, à leurs idées et à la richesse qu’elles reçoivent de leur dimension religieuse (cf. Jean-Paul II, Redemptoris missio, n. 55). Par exemple, le témoignage de vie d’un collègue ou d’un ami catholique peut susciter chez un autre chrétien, avec l’aide de Dieu, le désir d’une vie réellement chrétienne au sein de la communauté ecclésiale à laquelle il appartient, mais peut également réveiller, par le processus de la grâce, le désir de rallier l’Église catholique. L’ami catholique accompagnera cette décision par sa prière et ses paroles, en respectant pleinement sa liberté. De cette manière il fait preuve d’une amitié sincère, impliquant la confiance et naissant de la charité que Dieu a répandue en nos cœurs. Lui seul, en effet, peut changer notre cœur.

D’une manière générale, il convient de dire qu’en réalité, un chrétien qui franchit ce pas ne change pas d’Église pour une autre. Il s’intègre plutôtpleinement à l’Église, à l’unique Église, à laquelle il était déjà uni, quoique de manière non plénière : à l’Église du Christ, une, sainte, catholique et apostolique que dirige depuis le Siège de Rome le successeur de Pierre. Cet ami parvient à vivre en plénitude ce qu’il vivait déjà imparfaitement. Pour cette raison, ceux qui adhèrent au catholicisme préfèrent parfois ne pas parler de conversion : pour eux, et à juste titre, leur conversion est en réalité un processus de conversions – et toute la vie en est en fait jalonnée –, qui commence par le baptême pour arriver, avec un nouveau secours de la grâce, à la pleine communion, jusqu’à leur maison : Rome ! C’est par égard pour de tels sentiments que le concile Vatican II remplaça le mot « conversion », plus rigoureusement approprié pour désigner celui qui embrasse le christianisme pour la première fois, par celui de « pleine incorporation ».

Il est évident que ces décisions ont de quoi réjouir profondément les enfants de l’Église catholique qui désirent ardemment que tous les hommes parviennent à la pleine communion avec Dieu et avec les autres dans l’Église universelle, et qui y travaillent pour y parvenir.

Pour établir un véritable dialogue

En tant qu'êtres sociaux, les hommes ont besoin de communiquer avec les autres, de s'appuyer les uns sur les autres, afin de pouvoir surmonter les difficultés, de jouir du produit de leurs efforts et contribuer à la connaissance de la vérité. Dieu a conçu l'homme tel qu'il ne puisse pas ne pas partager sa vie avec d'autres et aspirer à être compris et respecté des autres. C'est pourquoi le dialogue suppose la reconnaissance de l'humanité de l'interlocuteur, dans un climat nécessairement imprégné de cordialité, d'amitié et de charité.

L'attitude ouverte et respectueuse du catholique dans le dialogue œcuménique requiert la connaissance et l'exposition claire de la foi (cf. Unitatis redintegratio, n. 9-11) « La parité, condition du dialogue, signifie égale dignité personnelle des parties, non pas égalité des doctrines » (Dominus Iesus, n. 22). C'est pourquoi il importe que les catholiques connaissent, chacun en fonction de ses possibilités, les documents du concile Vatican II, le Catéchisme de l'Église catholique, et d'autres textes importants, comme la Lettre Communionis notio, la déclaration Dominus Iesus, et les Responsa ad quaestiones récemment publiées par la Congrégation pour la Doctrine de la Foi.

L'établissement du dialogue avec d'autres chrétiens requiert en outre que ceux-ci puissent se rendre compte que l’on est disposé à découvrir les valeurs positives de la foi qu’ils ont reçue dans leur communauté chrétienne. D’où, pour les catholiques, la nécessité de l’étude, de la formation, de la connaissance approfondie de la foi.

L’étude conduit au dialogue. Les chrétiens peuvent toujours apprendre les uns des autres, et parvenir ainsi à apprécier davantage des réalités qu'ils connaissaient déjà. Ils sont aussi incités par là à découvrir avec quelle sérieux d'autres approfondissent leur foi. Parmi tant de réalités significatives, on peut évoquer l’étude de l’Écriture, si enracinée dans la vie de nombreux protestants ; la beauté des célébrations liturgiques orthodoxes ; l'amour de la Sainte Eucharistie et sa centralité dans la vie des catholiques, si attrayantes pour de nombreux protestants. Les enseignements de saint Josémaria sur la sanctification du travail suscitent aussi l’intérêt et la sympathie de nombreux chrétiens. Il importe de redécouvrir la convergence déjà présente sur des points comme ceux-là, sans perdre de vue pour autant que seule la charité permet de dépasser les divisions. « Voici la tâche du chrétien : noyer le mal dans l'abondance du bien. Il ne s'agit ni de faire des campagnes négatives, ni d'être anti quoi que ce soit. Bien au contraire, il s'agit de vivre d'affirmations, d'être pleins d'optimisme, de jeunesse, de joie et de paix ; de se montrer compréhensif envers tous, qu'ils suivent le Christ, qu'ils l'abandonnent, ou qu'ils ne le connaissent pas. — Mais la compréhension n'est pas l'abstentionnisme, ni l'indifférence, c'est une attitude active » (saint Josémaria, Sillon, n. 864).

« Il faut, avant même de parler, écouter la voix et plus encore le cœur de l'homme, le comprendre et le respecter », disait le pape Paul VI (Ecclesiam suam, n. 90). S'il ne discerne pas chez son interlocuteur un désir sincère de connaître et de comprendre, nul ne peut se sentir respecté et incliné à dialoguer : « Rien de plus étranger à l'attitude de l'apôtre chrétien que l'arrogance suffisante ou, comme on dit aujourd'hui, le triomphalisme. Notre doctrine n'est pas le fruit de notre effort, de notre perspicacité ou de notre ingéniosité, mais parole de Dieu qui est venu à nous, non parce que nous serions meilleurs que les autres, ou mieux formés, mais parce que le Seigneur a voulu nous utiliser comme ses instruments (…). Plus encore : nous sommes persuadés que cette vérité divine que nous portons, nous dépasse, que nos paroles ne suffisent pas à en exprimer toute la richesse, et qu'il est même possible que nous ne la comprenions pas totalement, et que nous jouions le rôle de quelqu’un qui transmet un message sans le comprendre tout à fait » (saint Josémaria, Lettre du 24-X-1965, n. 15). Nous ne sommes pas propriétaires de la vérité, elle ne nous appartient pas ; nous voulons être des coopérateurs de la vérité (3 Jn 1,8) ; nous voulons agir dans la vérité et par elle.

Avec la charité du Christ

« Si vous voulez tenir la place qui vous revient dans la mission de l'Église, écrit saint Josémaria, vous ne devez pas oublier l'exemple du Christ. Il n'est pas de dialogue chrétien qui ne reproduise la manière d'être et d'agir du Seigneur. L'exemple de Jésus-Christ nous pousse au dialogue ; et son exemple nous apprend aussi à parler avec tous les hommes ». Toujours selon saint Josémaria, deux choses importent avant tout : « la fidélité à la vérité et l'amitié avec les hommes. Il ne saurait y avoir de dialogue fécond sans que se produise ou se crée entre ceux qui dialoguent un climat d'amitié authentique, d'honnêteté et de vérité » (ibid.).

Sans amour des autres, il ne peut y avoir d'œcuménisme véritable, mais seulement des stratégies qui de soi se révèlent infécondes. « Le Seigneur nous appelle en un moment où l’on parle beaucoup de paix alors qu’elle n’existe ni dans les âmes, ni dans les institutions, ni dans la vie sociale, ni entre les peuples. On parle continuellement d’égalité et de démocratie, alors que les castes abondent, fermées et impénétrables. Nous avons été appelés à une époque où l’on prêche la compréhension alors que la compréhension brille par son absence, même chez les personnes de bonne foi qui veulent vivre de charité, parce que, ne l’oubliez pas, la charité, plus qu’à donner, consiste à comprendre » (Quand le Christ passe, n. 123). Le seul véritable dialogue est celui qui naît d'un désir d'amitié sincère, du souci d'aider et de servir les autres. « Le climat du dialogue, c'est l'amitié. Plus encore, c’est le service » (Paul VI, Ecclesiam suam, n. 90).

Les catholiques, dans l'action œcuménique, doivent être attentifs à leurs frères, priant pour eux, les fréquentant eux, allant à leur rencontre. L'amour doit être à la racine de toutes les activités humaines. On le dira avec les paroles de saint Paul, omnia vestra in caritate fiant (1 Cor 16,14) : agissez toujours avec charité. C'est pourquoi, en plus de la connaissance mutuelle, ne saurait manquer l’estime et l’affection véritables, qui naissent spontanément de la rencontre. Ceux qui accompagnaient le patriarche de l'Église orthodoxe roumaine, à la fin de l'audience accordée par Jean-Paul II aux participants à la canonisation de saint Josémaria, en firent l'expérience, le 7 octobre 2002. Cet événement œcuménique a eu une forte répercussion en Roumanie et en bien d'autres lieux, sur des personnes qui connaissaient peu l'Opus Dei, ou qui participaient déjà à ses apostolats, comme l'ont manifesté avec une très grande joie des familles d'orthodoxes libanais qui assistaient à la cérémonie.

La vie des saints permet de découvrir ce que Dieu réalise chez ceux qui appartiennent à d'autres Églises ou communautés ecclésiales. « Il est juste et salutaire de reconnaître les richesses du Christ et sa puissance agissante dans la vie de ceux qui témoignent pour le Christ parfois jusqu'à l'effusion du sang ; car, toujours admirable, Dieu doit être admiré dans ses œuvres » (Unitatis redintegratio, n. 4). Ceux qui ont donné leur vie pour le Christ constituent ainsi comme un point de rencontre. « Ce témoignage commun de sainteté, dans la fidélité à l'unique Seigneur, possède un potentiel œcuménique extraordinairement riche de grâce » (Jean-Paul II, Ut unum sint, n. 48). « L'œcuménisme des saints, des martyrs, est peut-être celui qui convainc le plus. La voix de la communio sanctorum est plus forte que celle des fauteurs de division. Le martyrologe des premiers siècles a été le fondement du culte des saints. En proclamant et en vénérant la sainteté de ses fils et de ses filles, l'Église rendait un suprême hommage à Dieu même ; dans les martyrs, elle vénérait le Christ, qui était à l'origine de leur martyre et de leur sainteté. Plus tard s'est développé l'usage de la canonisation, qui perdure dans l'Église catholique et dans les Églises orthodoxes. » (Jean-Paul II, Tertio millenio adveniente, n. 37).

Susciter la collaboration dans le service des hommes

Créer les conditions pour que naissent des activités conjointes de chrétiens de différentes confessions, ou pour que d'autres chrétiens coopèrent à des activités de l'Église catholique, favorise la connaissance mutuelle et, dans la mesure où cette coopération se réalise, ces activités nous rapprochent de la pleine communion des chrétiens.

La collaboration dans le domaine social est une voie concrète proposée par le concile Vatican II pour l'exercice de l'œcuménisme, que doivent seconder tous les membres de l'Église.

« La collaboration de tous les chrétiens rend manifeste l'union déjà existante entre eux, et elle met en plus lumineuse évidence le visage du Christ Serviteur. Cette collaboration, déjà établie en beaucoup de pays, doit être sans cesse accentuée, surtout dans les régions en cours de développement social ou technique, tant en faveur de la dignité de la personne humaine que pour la promotion de la paix, de l'application sociale de l'Évangile, ou par le développement des sciences et des arts dans une atmosphère chrétienne, ou encore par l'apport de remèdes de toute sorte contre les misères de notre temps, par exemple la faim et les calamités, l'ignorance et la pauvreté, la crise du logement et l'inégale distribution des richesses. Par cette collaboration, tous ceux qui croient au Christ peuvent facilement apprendre comment on peut mieux se connaître les uns les autres, s'estimer davantage et préparer la voie à l'unité des chrétiens » (Unitatis redintegratio, n. 12).

En Occident tout spécialement, mais aussi dans le reste du monde, « la présence des chrétiens, affirmait récemment Benoît XVI, ne sera incisive et lumineuse que si nous avons le courage de parcourir avec décision la voie de la réconciliation et de l'unité (…). Nous avons tous une responsabilité spécifique (…) ; car la rencontre entre les peuples est plus facile, les occasions de connaissance et d’estime mutuelles augmentent, lorsqu’on s’enrichit mutuellement de dons ; le besoin se fait sentir d’affronter ensemble les grands défis de notre temps, en commençant par celui de la modernité et de la sécularisation. L'expérience démontre amplement que le dialogue sincère et fraternel engendre la confiance, élimine les peurs et les préjugés, aplanit les difficultés et ouvre à la confrontation sereine et constructive » (Discours, 26-I-2006).

« Je vous l’ai écrit souvent, en citant saint Paul : veritatem facientes in caritate (Ep 4,15), vivre selon la vérité dans la charité — telle est la bonne manière de dialoguer et de communiquer la doctrine du Christ » (saint Josémaria, Lettre, 24-X-1965). La “rencontre” œcuménique vécue dans la vie séculière tend à ce que nous essayions tous de marcher dans la vérité et la charité, en meilleurs disciples de Jésus-Christ, parce que nous sommes tous appelés par le Seigneur, depuis notre baptême, à la sainteté personnelle. Tel est le grand message de saint Josémaria, réaffirmé lors du concile Vatican II.

L’Église a aujourd’hui besoin de cet « œcuménisme pratique », qui est l’œcuménisme vécu au milieu de toutes les activités humaines. Des chrétiens unis entre eux par l’amitié, des disciples du Christ, des « amis de Dieu », forment ensemble comme un grand filet jeté pour la pêche par le pêcheur divin. Tous ensemble, les chrétiens peuvent amener dans la barque du Christ de nombreux hommes et femmes qui vivent encore loin de Dieu. Et tandis qu’ils accomplissent ainsi le commandement du Christ, unis entre eux par une amitié humaine et chrétienne, l’amour de Dieu le Père leur concédera la pleine communion pour laquelle son Fils a prié et prie encore dans le Ciel : Qu’ils soient uns, pour que le monde croie.

Tout cela est possible, à la condition de « ne jamais perdre le fil du dialogue avec notre Dieu vivant et aimant, avec l’Esprit Saint, avec le Christ, notre Seigneur, et avec Marie, Reine du Ciel et mère de l’Église. C’est de là que vous tirerez chaque jour des lumières pour votre foi, des désirs pour votre apostolat, la passion des âmes, et une charité universelle et délicate » (ibid.).

Références complètes Concile Vatican II :

Constitution dogmatique Lumen gentium

Décret Unitatis Redintegratio Congrégation pour la doctrine de la foi :

Déclaration Dominus Iesus, 6-VIII-2000

Responsa ad quaestiones, 29-VI-2007

Notre dotrinale Sur quelques aspects de l’Evangélisation, 3-XII-2007

Paul VI :

Lettre encyclique Ecclesiam suam, 6-VIII-1964

Jean-Paul II : Discours à la synagogue de Rome, 13-IV-1986

Lettre encyclique Redemptoris missio, 7-XII-1990

Lettre apostolique Tertio millenio adveniente, 10-XI-1994

Lettre encyclique Ut unum sint, 25-V-1995

Benoît XVI : Discours à la commission préparatoire de la IIIè Assemblée œcuménique européenne, 26-I-2006

Discours à la rencontre œcuménique lors de la XXè Journée mondiale de la jeunesse, 19-VIII-2005

Saint Josémaria : Forge, Paris, Le Laurier, 1988

Lettre du 24-X-1965, dans ABC, Madrid, 17-V-1992 ; Studi Cattolici, Milan, juil-août 1985

Quand le Christ passe, Paris, Le Laurier, 1989

Sillon, Paris, Le Laurier, 2007