Mes souvenirs de saint Josémaria (partie II)

L’abbé André Blais, un des premiers membres numéraires de l’Opus Dei au Canada, raconte sa découverte de l’Œuvre et ses rencontres avec saint Josémaria Escriva, fondateur, appelé « Père ». Il nous ouvre aussi le coffre-fort d’où il puise sa prédication : les points charnières des enseignements et de l’esprit du Père (partie II de V).

Mon coffre-fort

Coffre-fort gris avec porte entrouverte.

Des idées-forces de l’esprit et de la vie de saint Josémaria inspireront ma prédication toute ma vie durant.

1. Foi dans la providence de Dieu

- Le juste vit de foi, dit la Sainte Écriture. Un jour, après le déjeuner, les cours commencés, on nous avise que le Père nous attend dans le vivoir pour nous annoncer le décès d’un prêtre croate mort dans un accident d’avion. Devant le Tabernacle, il raconte sa réaction en se plaignant au Seigneur pour la perte de ce jeune prêtre, qui avait l’avenir devant lui. Puis je l’ai vu savourer, répéter très lentement cette prière qu’on trouve dans Chemin, 691 : Que la juste, que l’aimable Volonté de Dieu, soit faite, accomplie, louée et éternellement exaltée par-dessus toutes choses. –Amen. – Amen.

- La solution juridique

Nous sommes en mars 1966. Paul VI publie le décret Ecclesiae sanctae. Dans ce texte du Magistère qui applique les décisions du Concile, Mgr Escriva voit la solution juridique de l’Opus Dei : c’est le complet fait sur mesure pour l’Opus Dei : il nous dit qu'il nous faudra attendre avant de le porter. Ce qu’il avait vu le 2 octobre 1928 et sur quoi il n’avait cessé de travailler : matérialiser ce charisme de la sainteté au milieu du monde par la sanctification du travail. Il nous demandait d’offrir travail, messe, chapelet, sacrifices pour cette intention qui ne se réalisera que plus tard, le 28 novembre 1982.

- L’Eucharistie

Le dimanche matin, saint Josémaria nous invitait à visiter Rome -un musée à ciel ouvert!- et l’après-midi, après six jours de cours, d’étude, de travail, nous regardions parfois un film. Je me rappelle celui d’un grand réalisateur américain, John Ford (1965,) The 7 women, histoire d’une mission protestante en Chine aux prises avec des révoltes populaires rendant leur travail difficile. Tiraillement entre les missionnaires.

À l’intermezzo : saint Josémaria a vu dans les querelles intestinales du groupe de missionnaires l’absence de l’Eucharistie. Il nous parlera une quinzaine de minutes avec beaucoup de force, marchant au milieu des personnes présentes,  debout, café en main ou petite coupe de cognac bon marché, de l’importance de l’Eucharistie pour nous, apôtres du Christ. Sans Lui, on ne peut rien faire. L’Eucharistie : sommet, racine et centre de la communion de l’Église, énergie pour l’apostolat, nourriture surnaturelle pour vivre la fraternité.

saint Josémaria, les mains jointes en train de se recueillir.
saint Josémaria en train de célébrer la Messe

Bien des preuves vivantes de la foi de saint Josémaria et de son amour pour la présence réelle de Jésus dans l’Hostie sainte sont palpables dans ses indications précises sur la beauté des tabernacles et des oratoires des centres de l’Opus Dei et dans les manifestations matérielles d’affection envers le Christ et sa Mère.

- L’Église, le Saint-Père

C’est à Rome que la foi de saint Josémaria est devenue plus théologique, reposant sur le roc, le Christ, et le doux Christ sur terre, le successeur de Pierre. Sur la place Saint-Pierre, lorsqu’il s’y approchait, il récitait le Credo et il nous invitait à suivre cette coutume.

- Forts dans la foi et prudence

Rome, janvier 1966, Ramon Garcia de Haro, Docteur en droit civil, jeune prof de théologie morale, termine sa thèse de doctorat sur l’Histoire du modernisme dans l’Église (1870-1920). Un jour, il me demande de corriger les fautes de français de sa copie où il citait de nombreux auteurs français. Pas trop compliqué : question d’ajouter un accent circonflexe, aigü ou grave sur un a ou sur une autre voyelle. « Va dans ma chambre et voici la clef de mon armoire. Tu trouveras là les documents ». Pourquoi la clé, me suis-je demandé? C’est que, pour son travail, ce théologien avait dû lire et approfondir la pensée d’auteurs qui déviaient de la théologie catholique et présentaient un certain danger pour tout lecteur, voire même pour ce professeur de théologie.

En effet, Mgr Escriva a établi des normes pour éviter les dérapages. Par exemple, faire un résumé de la pensée de l’auteur et offrir une critique; lire des antidotes, garder sous clef les livres désapprouvés par l’Église car la curiosité des étudiants peut toujours poindre. Au Concile, nombre de théologiens pensaient que les normes de prudence n’étaient plus nécessaires. Notre foi adulte était suffisante, croyait-on. Devant cette opinion erronée, Mgr Escriva, veillant sur la foi de ses enfants, a établi des conditions pour les lecteurs d’œuvres d’auteurs n’allant pas dans le sens de l’enseignement du Magistère. Il demanda à tous ses fils et ses filles de se mettre au travail et de fournir à leurs frères et sœurs du matériel pour contrecarrer les idéologies qui détruisaient la foi.

Des milliers d’articles, des centaines de livres, des maisons d’éditions, ont vu le jour grâce à cette prudence de saint Josémaria : il jouait son âme disait-il. Années difficiles au cours desquelles Paul VI disait voir une fumée noire de Satan se répandre sur le Peuple de Dieu.

À suivre…