Interview du vicaire régional de l'Opus Dei en France

«Encore la complotite !!» est le titre de l'article paru dans le n°2972 du 15 avril de l’hebdomadaire France Catholique, que nous vous transmettons.

l'abbé Antoine de Rochebrune

L'abbé Antoine de Rochebrune est vicaire de la prélature de l'Opus Dei en France. Nous l’avons interrogé à l'occasion de la parution de plusieurs ouvrages dénigrant, plus ou moins violemment, la finalité et l'action de l'institution qu'il dirige.

L'Opus Dei a été malmené par différentes publications. Tout d'abord le “Da Vinci Code”, pour distraire en satisfaisant différents fantasmes, et maintenant un livre intitulé, “L’Opus Dei” publié chez Flammarion, à la suite d’une émission de Canal +, semble-t-il plus directement méchant. Quelle est votre réaction face à ces ouvrages ?

Il n'y a pas lieu de réagir de manière disproportionnée. Que l'Opus Dei ne plaise pas à tout le monde, c'est compréhensible. Et cela ne me dérange pas car j'ai confiance dans le bon sens des lecteurs. Je note avec satisfaction que la publication d'un ouvrage ou d'un article à charge contre l'Opus Dei se traduit, à chaque fois, par une croissance des consultations du site Internet www.opusdei.fr, sans doute parce que chacun peut y trouver les réponses aux questions qu’il se pose.

Qu'est-ce qui vous gêne le plus dans les accusations formulées ?

Ce qui me frappe le plus, c'est qu'aujourd'hui encore, certains voient dans l'Opus Dei une armée en ordre de bataille. Le très médiatique sociologue Pierre-André Taguieff, spécialiste de tous les “prêcheurs de haine” et notamment des complots antisémites, a été interrogé par l’hebdomadaire “Le Point” le 24 février dernier, à propos de la recette du succès de “Da Vinci Code”. Il y a notamment évoqué un habile “recylage de la mythologisation diabolisante de l’Opus Dei”. N’est-il pas consolant de se savoir un cas d’école connu au C.N.R.S. ? Il est pourtant triste de voir des gens se créer, souvent avec sincérité, une image fausse et stéréotypée de l'Opus Dei.

S'il y avait dans l'Opus Dei, comme ils le croient, une recherche effrénée de pouvoir social, politique ou économique, et même religieux, je serais le premier à la dénoncer ! Mais le véritable but de l'Opus Dei est de promouvoir chez le plus grand nombre de personnes une vie authentiquement chrétienne, avec la spiritualité et le rayonnement apostolique qui en découlent. Ce message s'applique à toutes les situations de la vie : au milieu des joies et des peines, des espérances et des difficultés, seul ou en famille, que l'on ait une vie active, ou que l'on soit en recherche d'emploi ou à la retraite. Toute situation humaine est digne

d'être sanctifiée, élevée vers Dieu ; et l'Opus Dei tâche d'aider ceux qui le lui demandent à vivre l'Évangile au quotidien, avec cohérence.

D'après vous, quelles sont les raisons de ce décalage entre votre image et la réalité ?

Certains peuvent avoir une vision “cléricale” de l'Opus Dei, ou imaginer que des personnes sont manipulées, orientées vers des buts opaques. Or la formation donnée dans l'Opus Dei pousse à l'initiative personnelle, en favorisant chez les fidèles la liberté et la responsabilité personnelle nécessaires pour que chacun vive l'Évangile de façon autonome. Lorsqu'un fidèle de l'Opus Dei, qui reste d’ailleurs un paroissien de sa paroisse, s'implique soit dans la vie de l'Église, soit dans la vie sociale, politique ou économique, il ne lui passe jamais par la tête qu'il le fait au nom de l'Opus Dei.

Des personnes ayant quitté votre prélature, ou des parents de jeunes membres s'inquiètent de possibles dérives sectaires...

Sans vouloir les minimiser, ces réactions sont rares mais malheureusement inévitables dans la vie de toutes les institutions de l'Église : que ce soit par rapport aux séminaires, aux couvents, aux abbayes, aux communautés nouvelles etc. Il faut toujours y prêter attention et écoute. Il est normal que des parents s’inquiètent à une époque où les sectes sont actives. Il faut aussi que les jeunes évitent les maladresses à l’égard de leur famille, quels que soient les fossés d’incompréhension...

Mais, vous savez, l'Église a deux mille ans d'existence, et l'Opus Dei existe depuis plus de 70 ans, avec des statuts connus, étudiés et approuvés par le Saint-Siège. Grâce à Dieu, dans l'Église, les choses sont bien faites pour assurer le discernement des vocations et éviter aussi tout abus d'autorité. Ainsi, le gouvernement de l'Opus Dei est collégial, et permet un contrôle sage de l'exercice de l'autorité. De plus, j'y insiste, personne dans l'Opus Dei ne vit en vase clos. Notre vie est dans la rue, au bureau, à l'université, dans la famille etc. Les fidèles qui s'engagent dans l'Opus Dei, qui sont tous majeurs, savent bien qu'ils viennent chercher un espace de formation chrétienne. Exercer quelque contrainte que ce soit pour forcer des gens à aimer Dieu n'aurait aucun sens ! Au contraire, je vois chez ceux qui ont recours à l'Opus Dei pour se ressourcer, des personnes qui y trouvent un épanouissement personnel, y compris au milieu des épreuves de la vie. C’est là le fruit de leur vie de prière, et de leur volonté de placer le Christ au centre de leur existence.

Pensez-vous que l'Opus Dei soit unanimement apprécié dans l'Église ? Des prêtres vous critiquent...

Lorsque j’entends l'un de mes frères dans le sacerdoce émettre publiquement des critiques sur l’Opus Dei (ou aussi sur un évêque, voire sur le Pape)... je pense à la prière du Seigneur quelques heures avant de souffrir sa Passion : “Que tous, ils soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi”. J'ai de la peine et je prie pour lui, afin qu'il aime davantage l'Église du Christ.

Pour ce qui est du soutien que l'Opus Dei compte dans l'Église, j'aime rappeler ce qu'a été la canonisation de saint Josémaria, notre fondateur, le 6 octobre 2002 à Rome : une des cérémonies les plus spectaculaires que Jean-Paul II a célébrées, en présence de 300 000 pèlerins du monde entier, et d’un nombre extraordinairement élevé d'évêques et de cardinaux. En même temps je ne suis pas étonné que quelques personnes critiques fassent plus de bruit qu'une foule immense de sympathisants : notre monde est ainsi fait.

Jean-Paul II a eu l'occasion de manifester durant son pontificat sa bienveillance envers l'Opus Dei. Pensez-vous que ce sera le cas de son successeur ?

Tout comme ses prédécesseurs Pie XII, Jean XXIII et Paul VI, le Saint-Père a manifesté son affection et son encouragement à la prélature. Avec tous les fidèles de l'Opus Dei, mon seul désir est de servir l'Église comme elle veut être servie : avec droiture, avec simplicité, sans chercher les applaudissements. Le Saint-Père a une paternité spirituelle sur tous les catholiques : c'est cela qui compte, et les gens de l'Opus Dei aimeront le Saint-Père, quel qu'il soit pour cette simple raison.

Propos recueillis par Paul CHASSARD

France Catholique