Le cardinal Tauran reçu au Centre Garnelles

L’Eglise a-t-elle un pouvoir politique ? Le Cardinal Tauran est venu répondre à cette question au cours d’une conférence au Centre Garnelles, à Paris

Ce jeudi 27 octobre, Garnelles est en pleine effervescence. Cette résidence culturelle mène des activités pourtant plus calmes d’ordinaire : lieu de rencontre privilégié de « grands » étudiants et jeunes professionnels, Garnelles est l’occasion pour ceux-ci de participer à des activités spirituelles confiées à l’Opus Dei.

Ce soir-là, il y a foule dans le salon principal de la résidence. « Le Saint-Siège a-t-il un pouvoir politique ? » La question ne laisse personne indifférent : si le rôle du Vatican en matière spirituelle est reconnu par tous, celui du Saint-Siège en matière politique l’est beaucoup moins. Il est pourtant d’importance, et c’est plus d’une centaine de personnes qui est venu l’apprendre ce soir-là.

La moyenne d’âge du public est peu élevée : les jeunes sont majoritaires. Ils viennent de tous horizons : historiens, scientifiques, économistes, juristes, élèves ingénieurs ou littéraires, en école de commerce ou en sciences politiques. Tous sont venus écouter l’avis autorisé de l’invité exceptionnel de ce soir : le cardinal Jean-Louis Tauran, ancien chargé des relations avec les États à la Secrétairerie d’État du Vatican, autrement dit ex-« ministre des affaires étrangères » du Vatican. Le salon est bondé : certains sont assis par terre, d’autres resteront dans l’escalier pendant toute la conférence. Tous seront passionnés.

La conférence commence. En juriste accompli, l’intervenant prend d’abord le temps de distinguer Saint-Siège, Eglise catholique et Vatican, et définit ce que l’on peut entendre par « pouvoir politique ». Les termes du sujet étant posés, la réponse peut être abordée. Mgr Tauran insiste : « si l’on respectait le droit international en application de l’adage « pacta sunt servanda » on éviterait la majorité des conflits actuels ». Dans le même esprit, un juste équilibre des nations au sein des organisations internationales telles que l’ONU permettrait d’établir durablement la paix dans les relations internationales : il ne devrait y avoir ni de « gros » ni de « petits » États. D’autres problématiques sont envisagées : qu’est-ce qu’une guerre juste ? Faut-il entrer dans un processus commun général de désarmement ? Comment faire respecter les droits de l’homme ? Et en définitive, quel est le rôle du Saint-Siège au sein des relations internationales ? A-t-il un pouvoir politique ? De fait, le Saint-Siège n’est pas un État comme les autres : il est un « compagnon de route » des autres Etats, « la voix que la conscience humaine attend, qui ne cherche pas à vaincre mais à convaincre ». Il n’est puissance que suivant la phrase de Pascal, selon laquelle « le propre de la puissance, c’est de protéger ».

Les participants pouvaient suivre la conférence dans d'autres pièces, grâce à un écran géant

Le temps des questions du public est venu. Elles fusent, portant sur des sujets très différents, à mesure de la variété du public qui interrogeait. Un débat politique encore brûlant resurgit, à propos de l’ex-« projet de constitution pour l’Union Européenne » : défendre les racines chrétiennes de l’Europe, n’était-ce pas prendre le risque de « régionaliser » la chrétienté ? La réponse est sans nuances : ces racines chrétiennes européennes sont une vérité historique incontestable ; en effet, de la chrétienté sont nés les écoles et les universités, une langue commune à tous les pays européens qu’est le latin, une union politique autour de Rome, le vote à bulletin secret initié pour l’élection des pères abbés, etc… Un débat éternel de philosophie politique est ensuite ouvert : La démocratie est-elle le meilleur des régimes politiques ? Mgr Tauran invoque le catéchisme de l’Eglise catholique pour répondre par l’affirmative, tout en citant Montesquieu : « la démocratie est le meilleur des régimes politiques…si les sujets sont vertueux ». Amar, un jeune étudiant syrien, interroge le cardinal sur la situation des chrétiens en Irak. Il s’avère que contrairement à ce que l’on pourrait penser, leur situation était bien meilleure sous le régime de Sadam Hussein qu’aujourd’hui. D’ailleurs, tous les cuisiniers de Sadam étaient chrétiens, sans doute pour éviter tout risque d’empoisonnement (sic) ! Mgr Tauran expose ensuite la situation difficile des chrétiens en Afrique, en Amérique latine ou encore en Chine. En ce qui concerne cette dernière, le cardinal ajoute qu’il s’agit là sans doute d’un des prochains « chantiers » du pontificat de Benoît XVI, au même titre que l’œcuménisme. A ce propos, Frédéric se demande comment caractériser notre nouveau Pape, Benoît XVI. Mgr Tauran répond en citant une romaine : « notre nouveau Pape est extraordinaire : il dit des choses très profondes et pourtant on comprend tout ! »

Le temps passe vite…il faut conclure. La dernière question, « pratique », est posée : pour qui prier plus particulièrement en ce moment ? Pour le Pape ? Dans un sourire, le cardinal Tauran rappelle que ceux qui en ont le plus besoin sont certainement les prêtres. Oui, prier pour les prêtres est certainement ce qu’il y a de mieux à faire.